BASTA.
Harcelé.e.x.s par mon médecin
Une femme sage ne veut être l'ennemie de personne ;
une femme sage refuse d'être la victime de quiconque.
— Maya Angelou
Genève - 2008
La scène se passe dans une petite salle de consultation sobrement meublée d’une clinique. Les plafonds sont hauts et la peinture murale jaune clair. Une femme d'une quarantaine d'années est assise sur une table d'examen médical, ses jambes nues pendent d'un côté de la table. Elle est en sous-vêtements, ses épaules sont légèrement arrondies, il fait peut-être froid, elle tient son chemisier dans ses mains. Un médecin en blouse blanche se tient près d'elle, son corps touche ses jambes, son stéthoscope repose autour de son cou. Les mains du médecin sont sur la poitrine de la patiente, il empoigne un sein dans chaque main. Il la regarde, un sourire subtil sur ses lèvres, presque imperceptible. Le regard de la femme est cloué au sol.
Genève - 2009
Dans une des pièces de la permanence médicale, une jeune de 17 ans se trouve semi assise sur le lit d’auscultation, sans chemise ni soutien-gorge. La pièce semble improvisée en salle d’examen, les plafonds sont hauts et la couleur des murs délavée. Devant elle se trouve un homme, châtain clair, le crâne un peu dégarni. Ce dernier est en blouse blanche. Il touche les deux seins de sa patiente, tandis qu’elle regarde par terre, fixant les crocs du médecin.
Genève - 2019
Une jeune femme de 22 ans se tient assise sur une table de consultation. Elle regarde ses jambes nues en tenant fermement sa robe contre sa poitrine, comme pour essayer de se couvrir un maximum. Un homme en blouse blanche est en train de détacher son soutiens-gorge, la patiente semble surprise, on dirait qu’elle ne lui a pas donné son autorisation.
Genève - 2005
Une jeune femme de 20 ans se trouve assise sur le bord du lit de ce qui s’apparente à une salle de réveil. Sa blouse est ouverte et ses yeux fixent ceux du médecin qui se trouve en face d’elle. Elle a l’air shootée. L’homme en blouse blanche, quand à lui, à ses mains posées sur les seins de la patiente.
Genève - 2020
La scène se déroule dans un cabinet de gynécologue austère et peu rassurant. Une femme d’une vingtaine d’années est installée sur un fauteuil, les jambes écartées sur l’étrier. Un homme à l’air froid, absent et peu concerné, fait entrer un long et fin outil dans le vagin de sa patiente. Le corps entier de la femme semble geindre, on dirait qu’elle se retient de crier. Ses mains sont crispées sur le bord du fauteuil. L’image met clairement en lumière le contraste entre la souffrance de la femme et l’indifférence du médecin.
Genève - 2010
Une femme d’une trentaine d’années est allongée sur un lit d’hôpital, dans l’antichambre d’un bloc où elle va se faire opérer. Debout, au-dessus d’elle, se trouve un anesthésiste en train de lui parler. La main droite de l’homme repose sur l’épaule de la patiente, comme pour la rassurer, tandis que la main gauche empoigne son sein à pleine main. Dans son lit, la femme reste immobile, puis semble s’endormir.
Pully - 1995
Une jeune adolescente d’une quinzaine d'année est assise sur une table de consultation. Le généraliste se colle à sa jambe, et puis, tout doucement, commence à se frotter contre elle. Tétanisée, elle ne parvient pas à bouger.
25 ans plus tard, la femme se rappelle de son profond malaise. Elle se souvient aussi s'être dit à l'époque que ce serait sa parole contre la sienne, et qu'elle ne gagnerait pas.
Rolle - 1993
Une femme d’une trentaine d’années est allongée sur une table d’opération. Elle semble prémediquée, en attente d’une intervention. On voit une personne de dos soulever le drap qui se trouve sur la patiente, elle a l’air d’avoir froid. Elle semble aussi vouloir ouvrir ses yeux, en vain. La personne de dos écarte les jambes de la femme, son pantalon est baissé, sa ceinture pend. On aperçoit également ses mains, elles sont posées sur les jambes de la patiente qui ne semble pas pouvoir réagir.
Après cela, la femme n'en parle à personne pendant presque 30 ans.
Ferney voltaire - 2015
Dans un cabinet privé d'acupuncture et naturopathie, une femme d’une trentaine d'années en culotte se fait masser par un homme. Il lui masse le ventre avec une main, tandis qu'avec l'autre il insère ses doigts dans son vagin. La femme semble être dans un état second. Shootée. Hors de son corps. Son esprit à l’air d'être ailleurs.
Puis, l'homme lui masse le dos en la serrant contre lui, il met son visage contre le sien, sa bouche contre sa bouche, sa langue sort légèrement. La femme finit par tourner la tête.
Genève - 1985
Une fille de 12 ans se retrouve à plat ventre dans le cabinet d’un médecin ostéopathe. Il est à sa droite, prend son temps pour enfiler des gants.
Il introduit ensuite son doigt dans l’anus de la jeune fille à plusieurs reprises.
Puis, le médecin enlève son gant en le faisant claquer.
La jeune fille venait consulter pour des douleurs de règles. Cette scène se reproduira trois fois. C’est seulement après trente ans d’amnésie traumatique que la femme s’en souviendra.
Lausanne - 1990
Une jeune femme d’une vingtaine d’année se fait examiner par un gynécologue. Elle semble mal à l’aise. L’homme lui caresse et lui palpe les seins de façon soutenue. On dirait que cela fait un moment que cela dure.
Puis, l’homme fait un toucher vaginal et clitoridien à la jeune femme « sous prétexte de lui apprendre à avoir du plaisir et à l'enseigner à son homme. »
La femme en question est tétanisée et s'anesthésie pour de longues années.
Elle se souviens encore de son malaise quand le gynécologue insistais pour avoir des détails sur sa vie sexuelle. Elle se rappelle aussi du manque de délicatesse lorsque le gynécologue lui introduisait le spéculum gelé dans son vagin.
Renens - 2012
Une jeune femme d’une trentaine d’année est allongée sur une table d'examen de gynécologue. Chacune de ses jambes est posée sur un repose-jambes. Un médecin est assis sur un tabouret d'examen, le regard fixé sur son sexe. Il commence à toucher sa patiente dans ce qui semble être un contact intime et prolongé.
Puis, il se lève brusquement en repoussant le tabouret. Il penche le haut de son corps sur sa patiente, entre ses jambes toujours écartées, et touche ses seins avec les deux mains. Elle, figée sur la table, tourne son regard vers le mur.
Ce projet a été inspiré du texte de Ximena Escobar De Nogales, Les mains baladeuses de mon médecin, et du travail photographique Violences Invisibles, de Aline Bovard Rudaz.
Photographies ©Aline Bovard Rudaz
Textes ©Ximena, Angela, Lucie, Aline et Joëlle
Abusées par leur médecin. Reportage Mise au point, 28 février 2021, par Jérôme Galichet
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